7h00. J’ouvre un œil, le
tourne vers la grande porte fenêtre : le ciel bleu a inondé le ciel gris
de la veille et le soleil cogne aussi fort que la pluie de la nuit… il fait
super beau ! Branle-bas de combat je m’active. Réveiller l’endormi
[1],
faire le thé, se doucher, préparer le sac avec imperméable (au cas où quand
même), de quoi grignoter, de quoi fumer, de quoi se réchauffer et de quoi se
baigner… Bref, sac tout terrain, tout occasion.
10h00, porte de la maison.
Vers où ? A gauche, Saint Pierre, la côte et les plages ; à droite,
la montagne et l’inconnu pour Sam. Nous levons la tête et un ciel sans nuage
nous invite à le suivre. Nous partons. A droite. Le soleil absent de ces
derniers jours nous tord le visage en un sourire qui ne veut cesser de
s’afficher, les yeux sont tout plissés.
Marche, pouce. Marche,
sourire. Marche… Montée.
11h00, 12ième kilomètre
(ville à douze km du front de mer à vol d’oiseau)… Là, il est vraiment temps
d’être pris !
Petit parking sur bord de
route. Je sourie, Sam secoue le pouce magique. Attente… Il secoue encore…
Attente, inestimable malheureusement.
… …
Une famille s’arrête,
enfin. Bonjour, bonjour, Plaine des Cafres ? Montez, merci... la voiture
démarre et grimpe, le 14ième, le 16ième, le 19ième…
Jusqu’où allez-vous ?
Grand Étang… Hésitation… nous aussi !
Je fais un clin d’œil à Sam
dans le rétroviseur, nous avons de la chance d’aller aussi loin. La voiture
continue de grimper, raccourci par-là, virages par ici, et ça grimpe, toujours
ça grimpe.
Nous arrivons Plaine des
Cafres, quelques nuages commencent à envahir le ciel. Je ne m’inquiète pas, je
sais qu’une fois ce point dépassé le soleil vaincra. La musique, suspendue à un
smart-phone, accompagne notre traversée de l’île et fait descendre les nuages
de plus en plus, les épaissit, les obscurcit et, manque de bol, les transforme
en brouillard de pluie… Éclectique, la musique, comme cette route qui chante
les virages un à un, à chacun son rythme, à chacun son thème, direction Plaine
des Cafres, Plaine des Palmistes, la route qui crépite, il y a des gouttes,
elle descend de mesure puis tourne autour d’un drap épais et moite, l’eau
commence à gicler des pneus, le goudron s’accélère et les pointes d’eau
gonflent sur le capot qui ne nous offre plus de vue à moins d’un mètre… à
présent l’eau glisse en rythme le long de la voiture. Déluge… Quelques minutes.
Bifurcation, et toujours la pluie. Grand Étang, il pleut. Tant pis… J’enfile ma
veste, Sam son bonnet. Encore merci, au revoir et… bon appétit !
Nous nous engageons sur le
sentier flaqueux et mouillé, étonnés de se retrouver sans soleil mais heureux
d’une découverte prochaine. Dix minutes, le temps pour les chaussures de se
remplir d’eau et nous arrivons. Le lac est là, le sommet des montagnes cachées
derrière les nuages. Pause sous les arbres…Bon, et maintenant ?
Nous faisons marche arrière et rattrapons la route
principale en longeant les champs de cannes bordés de bananiers. Les sommets
jouent toujours à cache-cache…
Bifurcation. A droite,
retour à la case ; à gauche, nord de l’île ? J’ai envie d’aller à
gauche, on tire à pile ou face. Gauche !
Le sourire, le pouce
magique… Une famille à nouveau, jusqu’à Saint Benoit. Il ne pleut plus, on
aperçoit le soleil de temps à autre. Ce qui serait chouette c’est de trouver un
sentier qui longe la côte…
Bord de route. Sourire,
pouce magique. Une camionnette. Oui, juste un peu plus loin… Ah bon, vous allez
à Sainte Rose ? Vous savez qu’il y a un début de sentier là-bas, au port…
Non ? Allez, je vous y amène… Dans la voiture, ça parle de racisme
français envers les «têtes de bounyouls » et du racisme créole envers les
« zoreilles ». Et oui, parfois d’aucun porte une tête inacceptée, peu
tolérée, voire souvent embêtée. Ah, nous arrivons ? Juste
ici ?…merci !
Sainte-Rose, côte sauvage.
Les vêtements ont un peu séché, les gouttes tombées du ciel se sont tues. Il
n’y a personne sur le sentier, uniquement les vagues cabrées qui viennent se
casser contre les rochers noirs et anguleux, quelques petites (ou grandes)
cases créoles isolées puis nous, dans cette végétation à la Indiana Jones,
complètement heureux de notre aventure et profitant de chaque branche de vacoa,
de chaque fil de filao, de chaque pain d’arbre à pain… Nuages noirs à
l’horizon, pause goûter. Avant les gouttes. Avant la prochaine pluie. Ce n’est
rien, nous sommes dans la nature, proche et sauvage, belle et prenante. Nos
sourires illuminent les gouttes. Le soleil absent est là, nous ne le voyons
au-dehors mais le sentons au-dedans. Le temps passe…
Une ravine.
Infranchissable. Nous remontons. La route, pause cacolac/dodo (bière locale).
Et maintenant ?
Prochain sentier à 1 km… Allons.
Un kilomètre plus tard.
Bon, et là ? Sam roule, sourire sur bord de route. Peu de voiture, pas
d’arrêt. Alors ? D’abord, j’ai envie de fumer.
17h00… Tu sais, d’ici, il
faut au moins une heure de route jusqu’à la maison, en voiture et sans attente…
Le soleil décline.
Bord de route. Sourire,
pouce magique. Attente…
Allez, va devant !
Pouce magique, sourire… Une
voiture !
Ou sa ou sa va ? Saint
Pierre ?! Parfait, merci !
Dans la voiture qui file sans hésitation aucune
(malgré la route plus que sinueuse et dangereuse) les basses résonnent et font
vibrer les poumons. Bientôt la route du volcan. Séga, séggé, reggae… Nous
filons, quelle chance tout de même…
A gauche l’océan bleu et
blanc qui se fracasse contre les roches noires, à droite les montagnes et
plaines vertes sous le ciel lourd et gris, en face la route qui annonce bientôt
les coulées de lave. Le soleil, derrière nous, descend dans un voile rosée. La
route, les virages, l’éclat des éléments. Bientôt le volcan. Bientôt… Juste
après… Là ! Une brume fine s’élève en dansant au-dessus des roches de lave,
les arbres ont totalement disparus. Le sommet du volcan se devine sous l’épais
brouillard rose et jaune, d’innombrables danseuses aux fibres transparentes
s’offrent en spectacle. Ce portrait est unique. Silence à travers la musique
qui résonne dans l’auto.
Zot i veu nou i arret po prendr un ti photo ?
La route courre sous les
roues de l’auto, le ciel à peine découvert s’obscurcit à nouveau.
Saint Pierre, plus que
six km. Il fait nuit.
Mi laiss a zot mon numéro lébon ? Moin en a un ti
dalon terla, i vend d’l’auto, sa un bon prix seulmen ! Si zot lé
intéréssé… I vend meubles aussi…
Allez, bonne soirée et…
merci !
Dernier bord de route.
Dernier sourire, dernier pouce magique…
18h00. Nou lé la
case !!
Impensable…
160 km d'aventure, une
journée de voyage…
Sur l'île de La Réunion.
[1]
"endormi": terme local pour désigner un caméléon. Ainsi, un
"caméléon" désigne un gros lézard agame, le gecko. Et un margouillat reste un margouillat !
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Las
7. Abro un ojo. Lo giro hacia la gran puerta-ventana: el cielo azul inunda el
cielo gris de la víspera y el sol pega tan fuerte como la lluvia de anoche…
¡Qué buen tiempo hace! Todos en marcha, me apresuro. Despertar al adormecido[1], hacer el té, ducharse,
preparar la mochila con chaqueta impermeable (por si acaso, quién sabe), algo
para comer, algo para fumar, algo para calentarse y algo para bañarse… O sea,
una mochila todo terreno, toda oportunidad.
Las
10, puerta de la casa. ¿Por dónde vamos? A la izquierda, Saint Pierre, la costa
y las playas; a la derecha, la montaña y lo desconocido por Sam. Levantamos la
cabeza y un cielo sin nube nos invita a seguirlo. Salimos. A la derecha. El sol
ausente de estos últimos días nos tuerce la cara en una sonrisa que no quiere
parrar de exhibirse, los ojos están plegaditos.
Marcha,
dedo. Marcha, sonrisa. Marcha… Subida.
Las
11, Le Douzième (ciudad a doce kilómetros, en línea recta, del frente del mar)…
¡Es realmente la hora de que alguien se parre!
Aparcamiento en borde de carretera. Sonrío, Sam
sacude el dedo mágico. Espera… Sacude otra vez… Espera, inestimable
desgraciadamente.
…
…
Una
familia para, por fín. Ola, ola, ¿Plaine des Cafres? Súbanse, gracias…
El coche arranca y sube, Le Quatorzième, Le Seizième, Le Dix- Neuvième[2]…
¿Hasta
dónde van? Grand-Étang… Indecisión… ¡Nosotros también!
Le
guiño un ojo a Sam en el retrovisor, tenemos suerte de ir tan lejos. El coche
sigue subiendo, un atajo por aquí, curvas por allá, y subiendo, subiendo sin
parar. Llegamos a Plaine des Cafres, unos nubes están llenando el cielo. No me
preocupo, sé que una vez pasado este punto el sol vencerá. La música,
suspendida a un esmart-phone, acompaña nuestra travesía de la isla y baja cada
vez más las nubes, los espesa, los oscurece y, falta de suerte, los transforma
en niebla de lluvia… Ecléctica, la música, como la carretera que canta las
curvas una por una, cada con su ritmo, cada con su tema, dirección Plaine des
Cafres, Plaine des Palmistes, la carretera que chasquea, hay gotas, baja de
compás y gira alrededor de una tela espesa y húmeda, el agua empieza a salpicar
de las ruedas, el alquitrán acelera y las puntas de agua se hinchan en el capó
del coche que ya no nos ofrece vista a menos de un metro… ahora el agua resbala
en ritmo junto con el coche. Diluvio… Unos minutos. Cruce y sin parar, la
lluvia. Grand Étang, llueve. No pasa nada… Me pongo la chaqueta, Sam su gorro.
Gracias, adiós y… ¡buen provecho!
Entramos
en el sendero charcado y mojado, asombrados de hallarnos sin sol pero felices
de un descubrimiento cercano. Diez minutos pasan, tiempo para que los zapatos
se llenen de agua, y llegamos. El lago está aquí, la cumbre de las montañas
escondida detrás de las nubes. Pausa bajo los árboles…
Bueno,
¿y ahora?
Damos
marcha atrás y alcanzamos la carretera principal rodeando los campos de cañas
bordados de plátanos. Las cumbres siguen jugando al escondite…
Cruce.
A la derecha, la vuelta a casa; a la izquierda, ¿el norte de la isla? Tengo
gana de ir a la izquierda, tiramos a cara o cruz. ¡Izquierda!
La
sonrisa, el dedo mágico… Otra vez una familia, hasta Saint Benoît. Ya no
llueve, a veces podemos distinguir el sol. Lo bueno sería encontrar un sendero
que bordea la costa…
Borde
de carretera. Sonrisa, dedo mágico. Una camioneta. Sí, un poquito más lejos.
Ah, ¿van a Sainte Rose? ¿Saben que hay un sendero allá, sí, al lado del puerto…
¿Nó? Venga, ¡Les llevo! En el coche, se habla de racismo francés hacia las
"caras de morros" y del racismo criollo hacia los
"zoreilles"[3].
Sí, es verdad, a veces uno lleva una cara inacepatada, poco tolerada, hasta a
menudo molestada. Ah, ¿llegamos? ¿Justo aquí? … ¡gracias!
Sainte-Rose, la Costa Salvaje. La ropa ha secado un poco, las gotas que caían del cielo se han callado. No hay nadie en el sendero, tan sólo las olas cabreadas que vienen romperse contra las rocas negras y agudas, unas cuantas casitas (o casotas) aisladas y nosotros, en medio de esa vegetación tipo Indiana Jones, totalmente felices de nuestra aventura y disfrutando de cada ramo de vacoa, de cada hilo de filaos, de cada pino del árbol de pino…
Hay
nubes negras en el horizonte, pausa para merendar. Antes de las próximas gotas.
Antes de la próxima lluvia. No es nada, estamos en medio de la naturaleza,
cerca y salvaje, bella y penetrante. Nuestras sonrisas iluminan las gotas. El
sol ausente está aquí, no lo vemos afuera, pero lo sentimos adentro. El tiempo
pasa…
Un
barranco. No se puede atravesar. Volvemos a subir. La carretera, pausa
cacolac/dodo (cerveza local).
¿Y
ahora? Próximo sendero dentro de 1km… Vamos.
Un
kilómetro más tarde. Bueno, ¿y ya? Sam lía, sonrisa en bordura de ruta. Pocos
coches, ninguna parrada. ¿Entonces? Primero, tengo ganas de fumar.
Las
5. Sabes, desde aquí, es una hora de camino hasta la casa, en coche y sin
espera… El sol declina.
Bordura
de carretera. Sonrisa, dedo mágico. Espera…
Venga,
¡ponte adelante!
Dedo
mágico, sonrisa… ¡Un coche!
Ou sa ou
sa va ?[4] Saint
Pierre ?! Perfecto, ¡gracias!
En
el coche que corre sin ninguna vacilación (a pesar de la carretera más que
sinuosa y peligrosa) los bajos resuenan y hacen vibrar los pulmones. Pronto la
ruta del volcán. Sega, segge, reggae[5]…
Avanzamos, vaya suerte, en serio… A la izquierda, el océano azul y blanco que
viene estrellarse contra las rocas negras; a la derecha, las montañas y los
llanos verdes bajo el cielo pesado y gris; en frente, la carretera que anuncia
cercanos los ríos de lava. El sol, detrás de nosotros, baja junto con una tela
rosada. La carretera, las curvas, el resplandor de los elementos. Pronto el
volcán… Pronto… Justo después… ¡Ya! Una bruma fina se eleva bailando encima de
las rocas de lava, los árboles han totalmente desaparecido. La cumbre del
volcán se adivina bajo la espesa niebla rosa y amarilla, innumerables
bailarinas de fibras transparentes se dan en espectáculo. Este retrato es único.
Silencio a través de la música que resuena en el auto.
Zot i veu nou i arret pou sortir un
ti photo ?[6]
La
carretera corre bajo las ruedas del coche, el cielo apenas descubierto se
oscurece de nuevo.
Saint
Pierre, quedan seis kilómetros. Ya calló la noche.
Mi laiss a zot mon numéro lébon ? Moin en a un ti
dalon terla, i vend d’l’auto, sa un bon prix seulmen ! Si zot lé intéréssé… I vend meubles aussi…[7]
Venga,
hasta pronto y… ¡gracias!
Ultimo
borde de carretera. Ultima sonrisa, último dedo mágico…
Las
6. Nou lé la case !![8]
No
era pensable…
160
km de aventura, un día entero de viaje…
En
la isla de La Reunión.
[1] juego de palabra entre "adormecido"
y "camaleón": en la Reunión un camaleón se dice "endormi" o sea,
"adormecido". Esta frase quiere decir tanto "despierto al
adormecido" como "despierto al camaleón", animal típico de la
Reunión…
[3] término utilizado para designar le gente venida del
continente. Podría traducirse por zorejas:
los orejas > losorejas> los zorejas. Así se llama a la gente extranjera a
la isla y que no habla el criollo. En efecto, cada vez que un local habla, les
visitantes dicen, acercando la oreja, ¿qué…qué? De allí el
nombre de "zoreille": les oreilles > lesoreilles > les
zoreilles.
[7] "Les dejo mi número, ¿está bien? Tengo
un amigo por aquí que vende coches, con buen precio. Si les interesa… Vende
muebles también…"