28 juil. 2011

Une journée voyage à La Réunion


7h00. J’ouvre un œil, le tourne vers la grande porte fenêtre : le ciel bleu a inondé le ciel gris de la veille et le soleil cogne aussi fort que la pluie de la nuit… il fait super beau ! Branle-bas de combat je m’active. Réveiller l’endormi [1], faire le thé, se doucher, préparer le sac avec imperméable (au cas où quand même), de quoi grignoter, de quoi fumer, de quoi se réchauffer et de quoi se baigner… Bref, sac tout terrain, tout occasion.
10h00, porte de la maison. Vers où ? A gauche, Saint Pierre, la côte et les plages ; à droite, la montagne et l’inconnu pour Sam. Nous levons la tête et un ciel sans nuage nous invite à le suivre. Nous partons. A droite. Le soleil absent de ces derniers jours nous tord le visage en un sourire qui ne veut cesser de s’afficher, les yeux sont tout plissés.
Marche, pouce. Marche, sourire. Marche…  Montée.
11h00, 12ième kilomètre (ville à douze km du front de mer à vol d’oiseau)… Là, il est vraiment temps d’être pris !
Petit parking sur bord de route. Je sourie, Sam secoue le pouce magique. Attente… Il secoue encore… Attente, inestimable malheureusement.


… …
Une famille s’arrête, enfin. Bonjour, bonjour, Plaine des Cafres ? Montez, merci... la voiture démarre et grimpe, le 14ième, le 16ième, le 19ième
Jusqu’où allez-vous ? Grand Étang… Hésitation… nous aussi !
Je fais un clin d’œil à Sam dans le rétroviseur, nous avons de la chance d’aller aussi loin. La voiture continue de grimper, raccourci par-là, virages par ici, et ça grimpe, toujours ça grimpe.

Nous arrivons Plaine des Cafres, quelques nuages commencent à envahir le ciel. Je ne m’inquiète pas, je sais qu’une fois ce point dépassé le soleil vaincra. La musique, suspendue à un smart-phone, accompagne notre traversée de l’île et fait descendre les nuages de plus en plus, les épaissit, les obscurcit et, manque de bol, les transforme en brouillard de pluie… Éclectique, la musique, comme cette route qui chante les virages un à un, à chacun son rythme, à chacun son thème, direction Plaine des Cafres, Plaine des Palmistes, la route qui crépite, il y a des gouttes, elle descend de mesure puis tourne autour d’un drap épais et moite, l’eau commence à gicler des pneus, le goudron s’accélère et les pointes d’eau gonflent sur le capot qui ne nous offre plus de vue à moins d’un mètre… à présent l’eau glisse en rythme le long de la voiture. Déluge… Quelques minutes. Bifurcation, et toujours la pluie. Grand Étang, il pleut. Tant pis… J’enfile ma veste, Sam son bonnet. Encore merci, au revoir et… bon appétit !



Nous nous engageons sur le sentier flaqueux et mouillé, étonnés de se retrouver sans soleil mais heureux d’une découverte prochaine. Dix minutes, le temps pour les chaussures de se remplir d’eau et nous arrivons. Le lac est là, le sommet des montagnes cachées derrière les nuages. Pause sous les arbres…Bon, et maintenant ?
Nous faisons marche arrière et rattrapons la route principale en longeant les champs de cannes bordés de bananiers. Les sommets jouent toujours à cache-cache… 

Bifurcation. A droite, retour à la case ; à gauche, nord de l’île ? J’ai envie d’aller à gauche, on tire à pile ou face. Gauche !
Le sourire, le pouce magique… Une famille à nouveau, jusqu’à Saint Benoit. Il ne pleut plus, on aperçoit le soleil de temps à autre. Ce qui serait chouette c’est de trouver un sentier qui longe la côte…
Bord de route. Sourire, pouce magique. Une camionnette. Oui, juste un peu plus loin… Ah bon, vous allez à Sainte Rose ? Vous savez qu’il y a un début de sentier là-bas, au port… Non ? Allez, je vous y amène… Dans la voiture, ça parle de racisme français envers les «têtes de bounyouls » et du racisme créole envers les « zoreilles ». Et oui, parfois d’aucun porte une tête inacceptée, peu tolérée, voire souvent embêtée. Ah, nous arrivons ? Juste ici ?…merci !

 


Sainte-Rose, côte sauvage. Les vêtements ont un peu séché, les gouttes tombées du ciel se sont tues. Il n’y a personne sur le sentier, uniquement les vagues cabrées qui viennent se casser contre les rochers noirs et anguleux, quelques petites (ou grandes) cases créoles isolées puis nous, dans cette végétation à la Indiana Jones, complètement heureux de notre aventure et profitant de chaque branche de vacoa, de chaque fil de filao, de chaque pain d’arbre à pain… Nuages noirs à l’horizon, pause goûter. Avant les gouttes. Avant la prochaine pluie. Ce n’est rien, nous sommes dans la nature, proche et sauvage, belle et prenante. Nos sourires illuminent les gouttes. Le soleil absent est là, nous ne le voyons au-dehors mais le sentons au-dedans. Le temps passe…


 










Une ravine. Infranchissable. Nous remontons. La route, pause cacolac/dodo (bière locale).
Et maintenant ? Prochain sentier à 1 km… Allons.
Un kilomètre plus tard. Bon, et là ? Sam roule, sourire sur bord de route. Peu de voiture, pas d’arrêt. Alors ? D’abord, j’ai envie de fumer.
17h00… Tu sais, d’ici, il faut au moins une heure de route jusqu’à la maison, en voiture et sans attente… Le soleil décline.

Bord de route. Sourire, pouce magique. Attente…

Allez, va devant !
Pouce magique, sourire… Une voiture !
Ou sa ou sa va ? Saint Pierre ?! Parfait, merci !
Dans la voiture qui file sans hésitation aucune (malgré la route plus que sinueuse et dangereuse) les basses résonnent et font vibrer les poumons. Bientôt la route du volcan. Séga, séggé, reggae… Nous filons, quelle chance tout de même…


A gauche l’océan bleu et blanc qui se fracasse contre les roches noires, à droite les montagnes et plaines vertes sous le ciel lourd et gris, en face la route qui annonce bientôt les coulées de lave. Le soleil, derrière nous, descend dans un voile rosée. La route, les virages, l’éclat des éléments. Bientôt le volcan. Bientôt… Juste après… Là ! Une brume fine s’élève en dansant au-dessus des roches de lave, les arbres ont totalement disparus. Le sommet du volcan se devine sous l’épais brouillard rose et jaune, d’innombrables danseuses aux fibres transparentes s’offrent en spectacle. Ce portrait est unique. Silence à travers la musique qui résonne dans l’auto.
Zot i veu nou i arret po prendr un ti photo ?
La route courre sous les roues de l’auto, le ciel à peine découvert s’obscurcit à nouveau.
Saint Pierre, plus que six  km. Il fait nuit.
Mi laiss a zot mon numéro lébon ? Moin en a un ti dalon terla, i vend d’l’auto, sa un bon prix seulmen ! Si zot lé intéréssé… I vend meubles aussi…
Allez, bonne soirée et… merci !
Dernier bord de route. Dernier sourire, dernier pouce magique…
18h00. Nou lé la case !!
Impensable…
160 km d'aventure, une journée de voyage…
Sur l'île de La Réunion.


[1] "endormi": terme local pour désigner un caméléon. Ainsi, un "caméléon" désigne un gros lézard agame, le gecko. Et un margouillat reste un margouillat !


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Las 7. Abro un ojo. Lo giro hacia la gran puerta-ventana: el cielo azul inunda el cielo gris de la víspera y el sol pega tan fuerte como la lluvia de anoche… ¡Qué buen tiempo hace! Todos en marcha, me apresuro. Despertar al adormecido[1], hacer el té, ducharse, preparar la mochila con chaqueta impermeable (por si acaso, quién sabe), algo para comer, algo para fumar, algo para calentarse y algo para bañarse… O sea, una mochila todo terreno, toda oportunidad.
Las 10, puerta de la casa. ¿Por dónde vamos? A la izquierda, Saint Pierre, la costa y las playas; a la derecha, la montaña y lo desconocido por Sam. Levantamos la cabeza y un cielo sin nube nos invita a seguirlo. Salimos. A la derecha. El sol ausente de estos últimos días nos tuerce la cara en una sonrisa que no quiere parrar de exhibirse, los ojos están plegaditos.
Marcha, dedo. Marcha, sonrisa. Marcha… Subida.
Las 11, Le Douzième (ciudad a doce kilómetros, en línea recta, del frente del mar)… ¡Es realmente la hora de que alguien se parre!
Aparcamiento en borde de carretera. Sonrío, Sam sacude el dedo mágico. Espera… Sacude otra vez… Espera, inestimable desgraciadamente.



…  …

Una familia para, por fín. Ola, ola, ¿Plaine des Cafres? Súbanse, gracias… El coche arranca y sube, Le Quatorzième, Le Seizième, Le Dix- Neuvième[2]
¿Hasta dónde van? Grand-Étang… Indecisión… ¡Nosotros también!

Le guiño un ojo a Sam en el retrovisor, tenemos suerte de ir tan lejos. El coche sigue subiendo, un atajo por aquí, curvas por allá, y subiendo, subiendo sin parar. Llegamos a Plaine des Cafres, unos nubes están llenando el cielo. No me preocupo, sé que una vez pasado este punto el sol vencerá. La música, suspendida a un esmart-phone, acompaña nuestra travesía de la isla y baja cada vez más las nubes, los espesa, los oscurece y, falta de suerte, los transforma en niebla de lluvia… Ecléctica, la música, como la carretera que canta las curvas una por una, cada con su ritmo, cada con su tema, dirección Plaine des Cafres, Plaine des Palmistes, la carretera que chasquea, hay gotas, baja de compás y gira alrededor de una tela espesa y húmeda, el agua empieza a salpicar de las ruedas, el alquitrán acelera y las puntas de agua se hinchan en el capó del coche que ya no nos ofrece vista a menos de un metro… ahora el agua resbala en ritmo junto con el coche. Diluvio… Unos minutos. Cruce y sin parar, la lluvia. Grand Étang, llueve. No pasa nada… Me pongo la chaqueta, Sam su gorro. Gracias, adiós y… ¡buen provecho!
Entramos en el sendero charcado y mojado, asombrados de hallarnos sin sol pero felices de un descubrimiento cercano. Diez minutos pasan, tiempo para que los zapatos se llenen de agua, y llegamos. El lago está aquí, la cumbre de las montañas escondida detrás de las nubes. Pausa bajo los árboles…



Bueno, ¿y ahora?
Damos marcha atrás y alcanzamos la carretera principal rodeando los campos de cañas bordados de plátanos. Las cumbres siguen jugando al escondite…


Cruce. A la derecha, la vuelta a casa; a la izquierda, ¿el norte de la isla? Tengo gana de ir a la izquierda, tiramos a cara o cruz. ¡Izquierda!
La sonrisa, el dedo mágico… Otra vez una familia, hasta Saint Benoît. Ya no llueve, a veces podemos distinguir el sol. Lo bueno sería encontrar un sendero que bordea la costa…

Borde de carretera. Sonrisa, dedo mágico. Una camioneta. Sí, un poquito más lejos. Ah, ¿van a Sainte Rose? ¿Saben que hay un sendero allá, sí, al lado del puerto… ¿Nó? Venga, ¡Les llevo! En el coche, se habla de racismo francés hacia las "caras de morros" y del racismo criollo hacia los "zoreilles"[3]. Sí, es verdad, a veces uno lleva una cara inacepatada, poco tolerada, hasta a menudo molestada. Ah, ¿llegamos? ¿Justo aquí? … ¡gracias!

Sainte-Rose, la Costa Salvaje. La ropa ha secado un poco, las gotas que caían del cielo se han callado. No hay nadie en el sendero, tan sólo las olas cabreadas que vienen romperse contra las rocas negras y agudas, unas cuantas casitas (o casotas) aisladas y nosotros, en medio de esa vegetación tipo Indiana Jones, totalmente felices de nuestra aventura y disfrutando de cada ramo de vacoa, de cada hilo de filaos, de cada pino del árbol de pino…
Hay nubes negras en el horizonte, pausa para merendar. Antes de las próximas gotas. Antes de la próxima lluvia. No es nada, estamos en medio de la naturaleza, cerca y salvaje, bella y penetrante. Nuestras sonrisas iluminan las gotas. El sol ausente está aquí, no lo vemos afuera, pero lo sentimos adentro. El tiempo pasa…
 

Un barranco. No se puede atravesar. Volvemos a subir. La carretera, pausa cacolac/dodo (cerveza local).
¿Y ahora? Próximo sendero dentro de 1km… Vamos.
Un kilómetro más tarde. Bueno, ¿y ya? Sam lía, sonrisa en bordura de ruta. Pocos coches, ninguna parrada. ¿Entonces? Primero, tengo ganas de fumar.



Las 5. Sabes, desde aquí, es una hora de camino hasta la casa, en coche y sin espera… El sol declina.






Bordura de carretera. Sonrisa, dedo mágico. Espera…
Venga, ¡ponte adelante!
Dedo mágico, sonrisa… ¡Un coche! 
Ou sa ou sa va ?[4] Saint Pierre ?! Perfecto, ¡gracias!


En el coche que corre sin ninguna vacilación (a pesar de la carretera más que sinuosa y peligrosa) los bajos resuenan y hacen vibrar los pulmones. Pronto la ruta del volcán. Sega, segge, reggae[5]… Avanzamos, vaya suerte, en serio… A la izquierda, el océano azul y blanco que viene estrellarse contra las rocas negras; a la derecha, las montañas y los llanos verdes bajo el cielo pesado y gris; en frente, la carretera que anuncia cercanos los ríos de lava. El sol, detrás de nosotros, baja junto con una tela rosada. La carretera, las curvas, el resplandor de los elementos. Pronto el volcán… Pronto… Justo después… ¡Ya! Una bruma fina se eleva bailando encima de las rocas de lava, los árboles han totalmente desaparecido. La cumbre del volcán se adivina bajo la espesa niebla rosa y amarilla, innumerables bailarinas de fibras transparentes se dan en espectáculo. Este retrato es único. Silencio a través de la música que resuena en el auto.


Zot i veu nou i arret pou sortir un ti photo ?[6]

La carretera corre bajo las ruedas del coche, el cielo apenas descubierto se oscurece de nuevo.
Saint Pierre, quedan seis kilómetros. Ya calló la noche. 
Mi laiss a zot mon numéro lébon ? Moin en a un ti dalon terla, i vend d’l’auto, sa un bon prix seulmen ! Si zot lé intéréssé… I vend meubles aussi…[7]

Venga, hasta pronto y… ¡gracias!
Ultimo borde de carretera. Ultima sonrisa, último dedo mágico…
Las 6. Nou lé la case !![8]
No era pensable…

160 km de aventura, un día entero de viaje…
En la isla de La Reunión.





[1] juego de palabra entre "adormecido" y "camaleón": en la Reunión un camaleón se dice "endormi" o sea, "adormecido". Esta frase quiere decir tanto "despierto al adormecido" como "despierto al camaleón", animal típico de la Reunión…
[2] 14, 16, 19
[3] término utilizado para designar le gente venida del continente. Podría traducirse por zorejas: los orejas > losorejas> los zorejas. Así se llama a la gente extranjera a la isla y que no habla el criollo. En efecto, cada vez que un local habla, les visitantes dicen, acercando la oreja, ¿qué…qué? De allí el nombre de "zoreille": les oreilles > lesoreilles > les zoreilles.
[4] "¿Adónde vas?"
[5] Varios tipos de música, típica de La Reunión.
[6] frase en criollo: "¿Quieren pararse para sacar fotos?"
[7] "Les dejo mi número, ¿está bien? Tengo un amigo por aquí que vende coches, con buen precio. Si les interesa… Vende muebles también…"
[8] "¡Estamos en casa!"